- drôle
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1 ♦ Vx Homme roué à l'égard duquel on éprouve de l'amusement et de la défiance. ⇒ coquin. Ce drôle ne manque pas d'esprit ! — MAUVAIS DRÔLE : coquin. « Les miracles accomplis sur les champs de bataille nous ont appris que les plus mauvais drôles pouvaient s'y transformer en héros » (Balzac). ⇒aussi drôlesse.2 ♦ (1739) Mod. et région. (midi de la France) Gamin, jeune garçon. « Comme s'il était homme à se gêner pour un drôle ! » (F. Mauriac).II ♦ Adj. (1636)1 ♦ Qui prête à rire par son originalité, sa singularité. ⇒ amusant, bouffon, cocasse, comique, désopilant, hilarant, humoristique, inénarrable, plaisant, ridicule, risible; fam. bidonnant, crevant, gondolant, impayable, marrant, poilant, rigolo, roulant, tordant. Une histoire drôle. Un mot drôle. ⇒ plaisanterie, saillie, 1. trait. Vous trouvez cela drôle ? Subst. C'est d'un drôle ! ⇒ drôlerie. — PAS DRÔLE : triste, navrant, affligeant. La situation actuelle n'est pas drôle.♢ (Personnes) Qui sait faire rire. ⇒ amusant, gai. Ce fantaisiste est drôle. — Qui fait rire. ⇒ comique, ridicule. Ce qu'il est drôle, avec ce petit chapeau.♢ N. C'est un, une drôle, une curieuse personne. ⇒ numéro.2 ♦ Qui est anormal, étonnant. ⇒ bizarre, curieux, surprenant. Nous trouvons drôle qu'il ait oublié de nous prévenir. — (Personnes) Je l'ai trouvé drôle : il doit avoir quelque souci caché. Fam. Vous êtes drôle ! Qu'auriez-vous fait à ma place ? Se sentir tout drôle : ne pas se sentir comme d'habitude (cf. Tout chose). « Elle a avoué le lendemain avoir éprouvé quelque chose de singulier pendant plusieurs heures, avoir été toute drôle, toute je ne sais comment » (Baudelaire).♢ DRÔLE DE ... Une drôle d'odeur. Une drôle d'aventure (⇒ extravagant, fantaisiste, rocambolesque) . Faire une drôle de tête. Avoir un drôle d'air. Un drôle de personnage : une personne originale, bizarre, qui étonne, ou dont il convient de se méfier. Loc. La drôle de guerre, nom donné à la première phase de la guerre de 1939-1945, à cause du calme qui régnait sur l'ensemble du front. — Fam. (intensif) ⇒ rude, 1. sacré. Cet homme a une drôle de poigne, une forte poigne. Il faut une drôle de patience pour supporter cela, il en faut beaucoup.♢ En voir de drôles : voir des choses curieuses ou désagréables. En faire voir de drôles à qqn, lui créer des soucis (cf. En voir, en faire voir de toutes les couleurs).⊗ CONTR. Ennuyeux, 2. falot, insipide, triste. Normal, ordinaire.Synonymes :- amusant- cocasse- comique- désopilant- facétieux- hilarant- inénarrable- plaisant- rigolo (familier)- risibleContraires :- ennuyeux- lugubre- tristeQui intrigue, surprend ; bizarre, singulierSynonymes :- bizarre- curieux- étonnant- étrange- farfelu (familier)- insoliteContraires :- normal● drôle (expressions) adverbe Familier. Ça me fait (tout) drôle, cela me fait une impression singulière. ● drôle, drôlesse nom (moyen néerlandais drol, lutin) Littéraire. Personne rouée, mauvais sujet. Enfant rusé, fripon ; gamin : Un petit drôle. ● drôle, drôlesse (difficultés) nom (moyen néerlandais drol, lutin) Orthographe Avec un accent circonflexe sur le o. Sens Ne pas confondre ces deux mots. 1. Drôle adj. = amusant. C'est un homme très drôle quand il le veut. Une anecdote assez drôle. Dans ce sens, drôle est placé après le nom qu'il qualifie : une histoire drôle. Un drôle de = un curieux, un étonnant, un étrange... C'est un drôle de bonhomme ; il lui est arrivé une drôle d'histoire. 2. Drôle, drôlesse n. = mauvais sujet (vieilli) ; enfant, gamin (emploi régional : Midi, Sud-Ouest).drôlen. m. et adj.rI./r n. m. Vieilli Polisson, mauvais sujet.|| Enfant espiègle. Un petit drôle.rII./r adj.d1./d Plaisant, comique. Cet acteur est drôle.— Fam. Ce n'est pas drôle: c'est fâcheux.d2./d Singulier, curieux. C'est drôle qu'il n'écrive pas comme prévu.|| Fam. étrange. Un drôle de personnage, une drôle d'histoire.— La drôle de guerre: V. guerre.d3./d Fam. (Intensif) Une drôle de bagarre: une bagarre acharnée.d4./d (Antilles fr.) Syn. de lunatique.⇒DRÔLE, adj. et subst.I.— Adj. [En parlant de pers., d'attributs de la pers., de situations, de choses]A.— [Attribut ou épithète postposé au subst.]1. Qui divertit ou porte à rire par son originalité, sa singularité. Histoires, mots drôles; personnage drôle en société; faire une plaisanterie (très, assez) drôle. Quasi-synon. amusant, cocasse, comique, marrant, rigolo (pop.); anton. ennuyeux, triste. Cet homme est très drôle (Ac. 1932). Réjane, au commencement, a eu l'air de trouver la chose drôle et riait beaucoup (GONCOURT, Journal, 1891, p. 151). Au dîner, Miguel racontait l'incident avec des mines si drôles et si gentilles qu'il donnait le fou rire à tout le monde (SARTRE, Mots, 1964, p. 169).SYNT. Quiproquo, mascarade, jeu drôle; situation, scène drôle à voir; chercher, dire, faire, montrer, trouver des choses drôles; se croire drôle; vous trouvez cela drôle?— Fam. [En emploi négatif, pour marquer une situation, une chose pénible, peu supportable] La situation actuelle, la vie n'est pas drôle.♦ Ça (ce) n'est pas drôle (de + inf.). C'est pénible, désagréable. Ça n'est pas drôle d'être toujours seul :• 1. ... elles sont à la merci d'un premier spectacle brutal, d'une infirmière qui veut montrer aux petites nouvelles que « ce n'est pas toujours drôle ».Traité de sociol., 1967, p. 503.2. Qui intrigue, paraît étrange, surprenant. Être (tout, un peu) drôle; trouver à qqn un air drôle. Quasi-synon. bizarre, singulier, insolite; anton. normal, ordinaire. Je te trouve toute drôle depuis quelques jours!... qu'est-ce que tu as? (GYP, Pas jalouse, 1887, p. 297). Et puis, tout ça m'est égal. C'est drôle comme tout m'est égal (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 219) :• 2. Tu es une bonne femme, qu'il dit, faut que tu partages ma honte. Le plus drôle, monsieur, c'est que je le crois. Misère de misère! une épouse qui n'a rien à se reprocher, pas ça...BERNANOS, Monsieur Ouine, 1943, p. 1504.— Être, devenir, se sentir tout drôle. Être, devenir, se sentir pas comme d'habitude, mal à l'aise, pour une raison indéfinissable. (Quasi)-synon. (tout) chose :• 3. Depuis que je suis mariée, je me sens drôle, mal à l'aise, comme dans une robe mal coupée, qui vous gêne sans que l'on sache exactement à quel endroit.MONTHERLANT, Les Lépreuses, 1939, p. 1531.— Vous êtes drôle! Qu'auriez-vous fait à ma place? Ah, ce que vous êtes drôle avec vos chiffres! (ZITRONE, Courses, 1962, p. 227).— Trouver drôle (de + inf.; que + subj.). Trouver anormal, surprenant. Elle a trouvé drôle de n'avoir pas réussi cette année aux concours. Vous ne pouvez pas trouver drôle que je commence une collection, moi aussi (DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 77).— C'est drôle (à + inf.). Ce n'est pas un père de tout repos. Ah! fichtre! Maman non plus, c'est drôle à dire, n'est pas très raisonnable (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 256).— Cela fait (tout) drôle (de + inf.). Cela cause une impression bizarre. Ça fait drôle d'avoir perdu l'honneur (CLAUDEL, Guerre de 30 ans, 1945, p. 568). J'allais ajouter qui un lapin, par souci d'exactitude, mais je m'aperçois que cela ferait drôle (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 237).— Emploi subst., p. ell. du déterminé. En voir, apprendre, connaître, dire de drôles (de choses). J'en vois de drôles. Si je pouvais parler... (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1122).B.— [Avec valeur d'adj.] Drôle de + subst.1. [Avec le sens supra A 2] Bizarre, étrange. Une drôle d'idée, d'envie, de manie; drôle de bonne femme, de fille, d'individu; quelle drôle d'affaire, d'histoire, d'époque! Il y a ici dedans une drôle d'odeur. C'est vrai. Drôle peut-être, mais pas désagréable, sûrement. L'odeur des fruitiers de Fenouille... (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1544). Curieux pays, drôles de gens (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 260) :• 4. — Raconte alors.— Comment? demanda René.— Comment? demanda René.— Comme si on lui avait tiré dessus.— Une élongation, dit Georges.— Comment? demanda René.— Pas de ruban, mais un galon tressé autour.— Curieux, dit Robert.QUENEAU, Exercices de style, 1947, pp. 192-193.SYNT. Drôle d'endroit; drôle d'amusement, de jeu; drôle de façon de parler; regarder qqn d'un drôle d'air; avoir de drôles de manières, de goûts; faire, avoir un drôle d'air, de genre, de museau, de sourire, une drôle de figure, de gueule, de mine, de tête, de bobine, de touche, de grimace; croire, trouver, voir, entendre, remarquer, apercevoir, dire de drôles de choses; faire un drôle de métier.— Fam. ou pop. Drôle de corps, de pistolet, de phénomène, de paroissien, de coco, de zigoto, de zigomar, de numéro, de zèbre, etc. Personne singulière, bizarre (dont il convient de se méfier). Ah, Monsieur Voussois, dit Paul, vous êtes un drôle de zigoto (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 186).— Loc. fam., rare. Filer un drôle de coton (cf. filer un mauvais coton). Quasi-synon. être sur une mauvaise pente. Il est en train de filer un drôle de coton, dit Robert. Tu as vu le genre de gens qu'il fréquente? (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 401).— Spéc., HIST. La drôle de guerre. Première phase (1939-1940) de la seconde guerre mondiale, ainsi nommée à cause de l'absence d'opérations militaires sur l'ensemble du front. C'est une drôle de guerre, dit-il. À présent c'est les civils qui se font tuer et les soldats qui en réchappent (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 44) :• 5. Après l'interdiction de l'Humanité et de Ce Soir par le gouvernement Daladier, l'unanimité se fit autour du drapeau. La presse d'opposition... etc., rallia spontanément le « clan belliciste » qu'elle dénonçait la veille, et leurs dirigeants et rédacteurs furent souvent parmi les héros de cette « drôle de guerre » qui fit 120 000 victimes en quelques mois.COSTON, L'A.B.C. du journ., 1952, p. 55.2. Fam. [Avec valeur d'intensif; cf. drôlement C] Remarquable, étonnant. Avoir une drôle d'ambition, de force, de carrure, de poigne; une drôle de patience; une drôle d'érudition. Quasi-synon. rude, sacré, vache de (pop.). Je bavouche un peu c'est forcé... Il me faut faire des drôles d'efforts pour m'intéresser aux copains. Facilement je les perdrais de vue. Je suis préoccupé (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 41). Mais à midi comme ça, heure d'affluence, c'est un drôle d'enchevêtrement (QUENEAU, Exerc. style, 1947, p. 109) :• 6. Il regarda Henri dans les yeux : « On ne s'en rend pas compte, mais il faut une drôle d'arrogance pour placer ses rêves au-dessus de tout. Si on était modeste, on comprendrait qu'il y a d'un côté la réalité, et de l'autre rien. »BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 555.SYNT. Aller à une drôle de vitesse; faire un drôle de tapage, de vacarme; avoir une drôle de soif, une drôle de faim.II.— Subst. fam.A.— Vieilli. [En parlant d'un adulte] Personnage roué à l'égard duquel on éprouve de la défiance et une certaine supériorité. Voilà un parfait drôle, un drôle bien rusé; ce vieux drôle. Quasi-synon. maraud, coquin. En vérité, cet homme a quelque chose (...) de repoussant; (...) on croirait que la nature (...) a jeté mon drôle dans quelque coin (DUMAS père, Intrigue et amour, 1847, I, tabl. 1, 4, p. 197). Le drôle nous a trahis une fois déjà, il pourrait bien nous trahir encore (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 5, 1859, p. 232).— [En appellatif] :• 7. Le garçon de bureau ouvrit la porte (...). Chapeau bas, drôle! En même temps, j'envoyai (...) le feutre du pauvre diable s'aplatir contre le mur.DUMAS père, Comment je devins auteur dramatique, 1833, introd., p. 21.— [En parlant d'un enfant ou d'un adolescent] Personnage rusé et fripon. Un jeune drôle; beau, vilain, petit drôle; un petit drôle bien éveillé. — Où avez-vous arrêté ce pleurard? demanda Corentin au brigadier en désignant le petit écuyer de Laurence. — (...) le drôle allait gagner le bois des Closeaux (BALZAC, Tén. affaire, 1841, p. 118).— Spéc., péj. [En parlant d'un adulte ou d'un adolescent; cf. fém. drôlesse] Mauvais sujet. Vous êtes un drôle, un grand drôle (Ac. 1835, 1932). Don Juan, héros d'opéra bouffe, pose devant notre esprit le problème du mal. Ce drôle charmant, ce grand seigneur canaille et irrésistible (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 140) :• 8. À vingt ans (...) les mauvais drôles de cette espèce peuvent très bien s'amender et deviennent parfois des jeunes gens fort sensibles. Le cas est plus grave lorsque le drôle en question a la figure déjà vieillotte et fanée...ALAIN-FOURNIER, Le Grand Meaulnes, 1913, p. 213.B.— Mod. et région. (Ouest et Sud). [Sans nuance péj.] Enfant. Synon. gamin, gosse, garçon. On n'aurait aucune idée de ce qui se passe, sans deux ou trois petits drôles branchés dans un gros platane (A. DAUDET, Tartarin Alpes, 1885, p. 268). Elle pense, à d'humbles et redoutables choses, à la maie qui est vide, (...) aux drôles qui vont rentrer de l'école (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 226) :• 9. Il [Daniel] chercha ailleurs son plaisir, mais sut que Marie faisait réciter leur catéchisme aux drôles de Bourideys, coiffait les mariées et les communiantes après avoir tué leurs poux, veillait les morts.MAURIAC, Le Fleuve de feu, 1923, p. 28.Rem. On rencontre ds la docum. a) La forme archaïsante drolle(s), subst. masc., pour drôle dans ce même sens. Le prêtre entra à son tour, suivi de ses deux « drolles », ses enfants de chœur (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 3). b) Drôline, subst. fém., région. (Sud). Petite fille, jeune fille. Sylvie, la dernière-née, une drôline de treize mois (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 58).Prononc. et Orth. :[
], fém. drôlesse [
]. Comparer [o] fermé long (anal. de mots comme pôle car l'anc. fr. est drolle) ds drôle, drôlement, drôlerie, drôlesse, drôlet, drôline et parfois drôlichon dans lesquels le timbre et la durée sont protégés par l'accent circonflexe et par une coloration souvent péj. avec [
] ouvert bref dans drolatique, drolatiquement écrits sans accent, ds lesquels l'o est très éloigné de l'accent tonique et par conséquent s'ouvre. Noter qu'on rencontre ds la docum. des ex. de ces 2 derniers mots écrits avec l'accent circonflexe, p. anal. avec les mots de la même famille (cf. drolatique et dér.). Enq. :/
,D/. Le mot est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. Subst. 1. [fin XVe s. (publ. d'apr. une éd. de ca 1670) drolle « bon vivant » (BASSELIN, Vaux-de-Vire, LIII ds LITTRÉ)]; 1549 draule (Fr. Habert, trad. d'HORACE, Satyres, II, 4, Paraphrase ds HUG.); 1584 drolle (BOUCHET, Serées, Préf. ds DG); 1680 drôle (RICH.); 2. a) 1652 « mauvais sujet, personne dont il faut se méfier » (SCARRON, Don Japhet, I, 1 ds Œuvres (éd. 1786), t. 6, p. 398); b) 1718 « personne méprisable » (LE ROUX); 3. a) 1688 petit drôle « enfant rusé et fripon » (LA FONTAINE, La Coupe enchantée, X ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 7, p. 468, 481); b) [1739 mon drôle « mon fils » (CAYLUS, Les Ecosseuses ds Œuvres badines, t. 10, p. 512)]; 1868 drôle (A. DAUDET, Pt Chose, p. 78); 4. 1842 « côté plaisant d'une personne ou d'une situation » (BALZAC, Autre ét. femme, p. 421). II. Adj. 1. a) 1636 « (personne) qui fait rire, qui amuse par ses propos » (MONET); b) 1670 « id. (d'une situation, d'un objet) » (MOLIÈRE, Le Bourgeois gentilhomme, IV, 7); 2. 1664 un, une drôle de (+ subst.) « (personne, etc.) bizarre, inquiétante » (LORET, Muze histor. ds LIVET Molière t. 2, p. 136); 3. 1842-43 un, une drôle de augmentatif (SUE, Myst. Paris, t. 8, p. 218). Prob. empr. au m. néerl. drolle, drol « lutin » (VERDAM) d'où, au fig. « bon vivant, joyeux compagnon », v. FEW t. 15, 2, pp. 72-74. Le sens d'« enfant » s'est développé au XVIIIe s. dans le midi de la France et s'y est maintenu, d'où son emploi chez les aut. méridionaux. Pour une autre hyp. sur l'orig. de drôle, v. SAIN. Sources t. 1, pp. 160-161 et t. 3, pp. 305-306; la base proposée (pic. droller, drôler) se rattache à tragulare, cf. FEW t. 13, 2, p. 174. Fréq. abs. littér. :4 161. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 581, b) 7 755; XXe s. : a) 8 743, b) 6 079. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, p. 235. — MELLOT (J.). « Sagesse d'un Louis Racine je t'envie ». Vie Lang. 1969, p. 639. — RAT (M.). Sur le front du vocab... Déf. Lang. Fr. 1966, n° 33, pp. 14-15. — SAIN. Sources t. 1 1972 [1925] p. 160, 161; t. 2 1972 [1925] p. 279; t. 3 1972 [1930] p. 305, 307. — SCHONE (M.). L'Épithète inadmissible drôle. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 65-66. — THURNEYSEN 1884, p. 98. — TOURNEMILLE (J.). Ét. de : Un drôle de pistolet... Vie Lang. 1960, pp. 671-672.
drôle [dʀol] n. m. et adj.ÉTYM. 1584, drolle « plaisant, coquin »; néerl. drol « petit bonhomme, lutin ».❖———I N. m.1 Vx. Homme singulier et roué à l'égard duquel on éprouve une bienveillance amusée, en même temps qu'une certaine défiance. ⇒ Coquin. || Ce drôle ne manque pas d'esprit ! || Voilà un drôle qui a plus d'une corde à son arc. En appellatif : || Allez, drôles, un peu de respect.1 Le drôle a si bien fait par son humeur plaisanteQu'il possède aujourd'hui cinq mille écus de rente (…)Scarron, Don Japhet d'Arménie, I, 1.2 Et le drôle (le renard) eut lapé le tout en un moment.La Fontaine, Fables, I, 18.3 Une fois au service du Pape, le drôle continua le jeu qui lui avait si bien réussi.Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « La mule du pape ».2 Péj. et vieilli. Homme méprisable. ⇒ Maraud (vx), et fém. drôlesse. || C'est un drôle, un mauvais drôle, un coquin. || Ce drôle a déjà commis de nombreux méfaits.4 Les miracles accomplis sur les champs de bataille nous ont appris que les plus mauvais drôles pouvaient s'y transformer en héros (…)Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 76.5 Le vieux drôle faisait ostensiblement l'immonde commerce des reconnaissances du mont-de-piété (…) Il n'était, certes, pas encombré de scrupules !Léon Bloy, le Désespéré, p. 126.3 (1739). Mod. et régional. Jeune garçon (dans le Midi de la France). || Un petit drôle. — En appellatif. || Allez vous en, petits drôles ! — (Avec des possessifs). || Mon drôle : mon fils. || Mes drôles : mes enfants. ⇒ Drôlesse (2.), gamin, garçon, gosse.6 Comme s'il était homme à se gêner pour un drôle ! L'enfant l'avait distrait pendant quelque jours.F. Mauriac, Génitrix, XVI, p. 173.———II Adj. (1636).1 (Après le nom, en épithète; personnes, choses). Qui prête à rire par son originalité, sa singularité. ⇒ Amusant, comique, facétieux, plaisant, risible; et, fam., bidonnant, gondolant, marrant, poilant, rigolo, tordant. || Une histoire drôle, un mot drôle. ⇒ Blague (cit. 1.4), boutade, plaisanterie, trait (d'esprit). || Raconter des histoires drôles. || Cette histoire est vraiment drôle (→ Elle est bien bonne). || Situation, scène drôle à voir. ⇒ Bouffon. || Ce bon tour, cette farce était vraiment drôle. || C'est trop drôle ! || Vous trouvez cela drôle ? || Cette farce n'est vraiment pas drôle. — La situation actuelle n'est pas drôle, elle est triste, navrante, affligeante. — Personne drôle en société, qui sait faire rire. ⇒ Amusant, gai. — Qui fait rire. ⇒ Comique, ridicule. || Ce qu'il est drôle, avec ce petit chapeau.7 Vous êtes tout à fait drôle comme cela.Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 2.8 (…) cela sera drôle; car le mari ne se doutera point de la manigance (…)Molière, George Dandin, I, 2.8.1 (…) sa conversation était d'une gaieté continue, elle faisait rire perpétuellement par des rapprochements comiques, une manière spirituelle de raconter la moindre chose, si bien qu'elle n'avait nul besoin de raconter des histoires drôles et qu'un mot drôle raconté par elle ne l'eût pas été plus, mais bien plutôt que dans toute circonstance de la vie, elle découvrait quelque chose de drôle, dans toute conversation qu'elle entendait, dans toute action.Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 522.9 Mais dans la vie d'étudiant il y a aussi les études; et les études, avec les examens au bout, ce n'est pas toujours très drôle.J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XVIII, p. 199.10 J'habite chez mon frère et ma belle-sœur, mais je ne vous invite pas à dîner chez eux : ils ne sont pas drôles.Sartre, le Sursis, p. 208.2 (Choses). Qui est anormal, étonnant. ⇒ Bizarre, curieux, étonnant, étrange, extraordinaire, singulier, surprenant. || Nous trouvons drôle qu'il ait oublié de nous prévenir.a (Attribut). || Ça, c'est drôle ! — (Personnes). || Je l'ai trouvé drôle : il doit avoir quelque souci caché. — Fam. || Vous êtes drôle ! Qu'auriez-vous fait à ma place ? ☑ Se sentir tout drôle : ne pas se sentir comme d'habitude, physiquement ou moralement. ⇒ Chose (tout chose).11 Elle a avoué le lendemain avoir éprouvé quelque chose de singulier pendant plusieurs heures, avoir été toute drôle, toute je ne sais comment. Cependant elle n'avait pas pris de haschisch.Baudelaire, Du vin et du haschisch, IV.b Dans la construction drôle de… (gardant sa valeur d'adjectif). || Drôle d'histoire ! || Un drôle d'instrument. || Une drôle d'odeur. || Une drôle d'aventure (⇒ Extravagant, fantastique, rocambolesque…). || Drôle de drame, film de Prévert et Carné. || Quelle drôle d'idée ! || Quel drôle de métier on me fait faire ! ⇒ Triste. ☑ Faire une drôle de tête, de gueule, de bobine (fam.). || Avoir un drôle d'air. || Un drôle de personnage. || Un drôle d'individu, de corps, de bougre, de pistolet, de paroissien. ☑ C'est un drôle de type, de numéro, de zèbre, de zigoto, de coco, une personne originale, bizarre, qui étonne, ou dont il convient de se méfier (⇒ Triste).12 J'ai une drôle d'idée dans ma tête (…)Voltaire, Lettre à d'Argenson, 26 janv. 1740.13 Imaginez toutes les contractions, toutes les incompatibilités possibles, vous les verrez dans le gouvernement, dans les tribunaux, dans les églises, dans les spectacles de cette drôle de nation.Voltaire, Candide, 22.13.1 Florent s'était promené tout le matin avec Claude Lantier, un drôle de corps, qui était justement le neveu de madame Quenu.Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 54.14 Tu es une drôle de bête, lui dit-il enfin, mince comme un doigt (…)Saint-Exupéry, le Petit Prince, XVII, p. 60.15 Exercice de style ? Oui, peut-être. Drôle d'exercice ! drôle de style !F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 176.♦ ☑ Loc. La drôle de guerre : nom donné à la guerre de 1939-1945 dans sa première phase, à cause du calme qui régnait sur l'ensemble du front. ⇒ Drôlet (drôlette).15.1 À la fin de 39, pendant ce qu'on a appelé « la drôle de guerre » parce qu'il ne se passait rien tandis que les Parisiens déambulaient en portant consciencieusement leur masque à gaz, toute l'activité cinématographique s'est arrêtée.F. Giroud, Si je mens, p. 73.♦ ☑ En voir de drôles : voir des choses curieuses ou désagréables. ☑ En faire voir de drôles à qqn, lui créer des soucis.16 Je me doute, dit le Libanais, que, dans votre métier, vous devez en voir de drôles.Jacques Laurent, les Bêtises, p. 335.3 Fam. || Drôle de… (intensif). ⇒ Beau, rude. || Cet homme a une drôle de carrure, une drôle de poigne, une large carrure, une forte poigne. || Il faut une drôle d'endurance, de patience pour supporter cela, il en faut beaucoup.❖CONTR. Ennuyeux, falot, insipide, triste. — Normal, ordinaire.DÉR. Drolatique, drôlement, drôlerie, drôlesse, drôlet, drôlichon. REM. On trouve isolément d'autres dérivés, tel drôlasse (une « gaucherie drôlasse », Cingria).
Encyclopédie Universelle. 2012.